Revenir après un an d'expatriation
Je te préviens cher lecteur, ce billet est très différent des bafouilles habituelles de ce blog. Donc, n'hésites pas à interrompre la lecture si tu recherches un article sur l'expérience de CTO, le métier de staff engineer, la vie en startup, ou un article d'opinion sur la géopolitique tech. Ce sera pas la thématique d'aujourd'hui.
1 an, voilà, c'est terminé.
1 an vient de se passer et je rentre en France.
1 an pendant lequel j'ai pu vivre au Japon, m'imprégner de la culture, profiter, mais aussi prendre du recul, du recul sur ce qui est parfois tous les jours devant nos yeux mais qu'on peut parfois oublier... jusqu'à ce qu'on ne l'ait plus.
C'est évidemment un discours de privilégié et je m'en excuse d'avance, mais qu'est-ce que c'est enrichissant de voir d'autres points de vue, d'autres façons de faire, des cultures radicalement différentes.





Mais qu'est-ce que ça fait du bien aussi de retrouver ces marques. Bon et accessoirement, de retrouver une vraie diversité en termes de fruits, de légumes et de fromages :)
1 an et puis s'en va
Alors certains pourraient me dire, ok mais, pourquoi faire un billet de blog sur le sujet ?
Bon déjà parce que c'est mon blog, c'est personnel, je fais ce que je veux. C'est avant tout un carnet de note pour moi-même, même si je suis ravi que certains articles puissent avoir un peu d'écho.
Et puis peut-être aussi pour appuyer sur le fait que nos points de vue sont tous créés à travers un prisme, le prisme de nos cultures, de nos traditions.
Je sais que c'est d'une banalité affligeante à dire. Et pourtant on a tendance à rapidement oublier que les bulles de filtres c'est pas uniquement une question de numérique et d'algorithme. Un pays est une bulle de filtres.
D'ailleurs pour parfaire l'expérience, nous sommes passés par l'Australie pour rentrer et là encore, quelle claque.
Définitivement Sydney fait partie de mon top 3, voire de mon top 1 des plus belles villes du Monde.




Évidemment peut-être que ce sentiment vient aussi du fait que Sydney, c'était aussi synonyme pour nous d'avoir retrouvé l'ouïe et la vue.
Au bout d'un an, re-comprendre ce que disent les gens dans la rue, être capable de lire à nouveau les panneaux, les journaux, les pubs dans le métro, mais quelle libération !
Pour la petite anecdote, Sydney, c'est aussi symbolique pour moi parce que c'est indirectement l'élément déclencheur qui m'a fait devenir freelance en 2009, et donc c'est aussi le point de départ pour la création de Lateral-Thoughts puis de Malt.
Quand je dis indirectement, il faut que j'explique un minimum.
En 2009 Atlassian, éditeur de soft Australien publiait une annonce. C'était la première fois que les recrutements étaient ouverts aux étrangers.
Le poste final était à Sydney, mais le recrutement pouvait se faire de n'importe où.
Je connaissais très bien les produits de l'époque, j'avais fait des plugins pour Jira et Confluence et, rétrospectivement en 2009, la boite était plutôt sexy.
J'ai donc postulé.
J'ai passé 2 tours avec succès et j'ai échoué au 3eme, un interview technique oral en anglais. J'étais mauvais en anglais à cette époque mais je vais être honnête, c'est pas ça qui fait que j'ai raté. J'ai échoué lamentablement sur des choses que j'aurais du savoir.
Ça a été un déclic pour moi, je me suis dit que je stagnais, voire que je régressais et que j'avais besoin de sortir de ma zone de confort.
Je passe un peu les détails parce que c'est pas le sujet ici, mais c'est ce déclic qui a ensuite eu un effet papillon sur le reste de ma carrière.
Bref, cette année en 2025 j'ai eu l'occasion d'aller voir les bureaux d'Atlassian à Sydney.
Enfin. J'ai tenté. Je suis allé jusqu'à leurs bureaux. Je me suis dit que sur un malentendu j'arriverais au moins à rentrer dans le lobby d'accueil.
Mais les bureaux sont accessibles via un ascenseur protégé par un badge d'accès.
Bref, 16 ans plus tard, je n'ai toujours pas réussi à rentrer chez Atlassian, même pour une visite ;)

Quoi qu'il en soit, j'ai vu l'Australie, après une année passée au Japon et un détour à Taiwan.
Et quelleS claques !
Je le répète souvent mais, le numérique c'est pas virtuel. Le numérique se construit à l'intérieur de frontières géographiques et culturelles.
Par exemple, les écosystèmes technologiques du Japon ou de Taiwan ont des racines profondes dans le hardware, l'électronique, ou tout simplement, le physique, le tangible.
Toutes les applications "universelles" utilisées en Europe ne sont pas aussi universelles que ça.
On va retrouver des alternatives (Line à la place de Whatsapp par exemple), des galaxies d'applications (wechat en Chine, Kakao en Corée) très populaires et pourtant quasi inconnues en Europe.
Vivre à l'étranger c'est aussi se rendre compte que certaines applications sont bridées pour nous, par exemple Line est bridé pour les Européens puisqu'il faut un numéro de téléphone local pour bénéficier de toutes les fonctionnalités, les applications de paiement sont également indisponibles (en tout cas j'ai pas réussi à faire fonctionner Paypay). Et parfois certaines applications ne sont même pas disponibles sur les stores européens.
Oui parce que si vous n'étiez pas au courant, un store d'application (l'app store ou le playstore), c'est localisé par zone géographique.
Bref, la tech est diverse et reflète souvent des frontières, une culture, des usages, ou des contraintes. Je vous invite à parcourir le web asiatique pour comprendre ce que je veux dire. C'est très coloré, c'est surchargé d'informations, et c'est globalement illisible pour une personne habituée au style très épuré du web Occidental.
Mais maintenant que vous avez regardé ce type de site, je vous invite ensuite à entrer dans une boutique au Japon, par exemple le Yodabashi de Akihabara, l'un des plus gros magasins d'électroniques, Hi-Fi, Multimédia etc... de Tokyo.
Eh bien, c'est le bordel, c'est très coloré, et c'est surchargé d'informations.


Les sites ne sont pas justes différents pour le plaisir. Ils reflètent le réel. Ou plutôt, une variation du réel.
Bien sûr que ces variations du réel, ces façons différentes de vivre sont déjà fascinantes à observer de visu. Mais je ne cache pas que comprendre ces mêmes variations par le prisme de mon métier, ça donne un petit piquant supplémentaire.
Mais désormais, c'est le moment de revenir à mon réel.
Back to business.
Déjà première constatation, le réel ça fait mal.
Je suis rentré depuis 6 jours et ça se dégrade vite une maison en 1 an. Il y a des choses qui ont cassé, une chaudière qui marche plus, une nature qui a repris le dessus très fort, des travaux à prévoir, des courriers à dépiler, incluant une lettre d'huissier pour une facture d'eau, que je n'ai pas consommé puisque j'étais absent...
Mais c'est pas grave, ça fait partie du jeu.
C'est pas la partie difficile dans une réacclimatation.
Non la vraie question difficile, c'est... et après ?
Pour rappel, j'ai quitté la boite que j'ai créée juste avant de partir au Japon. C'était pas une vraie rupture puisque je restais attaché à l'entreprise, en tant qu'actionnaire d'une part, et puis parce que ça reste mon bébé dans tous les cas.
Mais ça reste un départ.
Et partir d'une boîte qu'on a co-fondé après 12 ans, c'est, du jour au lendemain, passer d'un agenda qui ressemble à tetris level 90 à... rien. Un agenda vide.
Je ne l'ai pas ressenti, puisque je suis parti au Japon, ce qui permet de dire que c'était une excellente transition pour justement esquiver cette descente un peu rapide.
Mais maintenant je suis rentré et il faut trouver la suite.
Est-ce que cette expérience m'a permis d'y voir plus clair ?
Qu'est ce que j'ai pu faire et apprendre sur le chemin ?
Eh bien le Japon c'était très bien pour faire la liaison entre deux époques, mais c'était aussi une période où tout était finalement bloqué.
Je pouvais difficilement garder le contact avec mon réseau professionnel. Je ne comptais pas m'installer au Japon et en même temps j'étais trop loin pour bosser avec des gens ici.
Bref, j'étais un peu le c*l entre deux chaises pour le dire crûment.
Mais maintenant, c'est le moment du bilan, et c'est le moment de repartir.
Et dans cette perspective je vais lister mes différents projets.
Le produit a stoppé sa croissance sur les 2 derniers mois. C'est le moment de réactiver mon environnement de développement pour le faire repartir.
L'outil devient chaque mois plus mature. Mais je traîne des pieds sur le marketing depuis 1 an et je me rends compte que cette partie me motive assez peu.
C'est frustrant. Mais pas démoralisant. Ça progresse. Lentement. Mais c'était attendu.
J'ai choisi la difficulté en prenant un soft B2C qui s'adresse aux blogueurs individuels, une population plutôt fauché par nature. J'ai fait quelques petites études pour en arriver à la conclusion que ma cible actuelle (mon persona) n'est pas forcément le bon. Mais j'en reparlerai sans doute une autre fois.
Mais ça veut dire que je suis encore loin d'un vrai "product market fit".
Oui je dis Product Market Fit. J'ai progressé en anglais depuis Atlassian.
Ce projet open source vit sa vie correctement. Je sais qu'il est utilisé, il attire quelques milliers de visites par mois, mais j'ai peu de retour et pour l'instant peu de contributeurs.
Quoi qu'il en soit il fonctionne bien et je prévois encore quelques améliorations comme la gestion native du multilingue.
Le projet n'a pas non plus besoin de grossir à l'infini, c'est aussi important de savoir juste le maintenir tel quel pour qu'il ne devienne pas trop complexe.
Ça reste un projet passion en open source, et je ne prévois rien de particulier dessus.
- Ce blog (et sa version anglaise).
Le blog est par nature assez simple à maintenir. Il a peu souffert de l'an passé au Japon. Le principal sujet c'était de remettre les bonnes habitudes en marche. Ce qui passe d'ailleurs par ce billet de blog. L'écriture c'est avant tout une question de routine et là vous lisez l'équivalent d'un moteur qui redémarre.
- Les chaînes Youtube (eventuallycoding et eventuallycoding - sous le capot).
Ca c'est le projet qui me hype particulièrement depuis début d'année dernière. C'est amusant à faire, frustrant parfois parce que je peux passer de 400 vues à 33 000 sans vraiment que je comprenne pourquoi.
Enfin, si, je me doute un peu et je dois en tirer les leçons. On pourra en reparler, peut-être.
Ça prend beaucoup de temps, beaucoup plus que le blog mais avec un impact nettement plus important et ça me donne des idées.
C'est vrai qu'à première vue, ce projet ne fait pas très sérieux. Rien que le mot Youtuber est parfois un peu connoté et on pourrait se dire, "mais qu'est-ce qu'il va faire dans cette galère ?"
Eh bien pour donner des éléments de réponses, déjà je trouve le support adapté à son époque pour parler de sujets qui m'intéresse, que ce soit pour restituer une partie de l'expérience acquise ces dernières années, mais aussi resituer la tech dans notre société, parler de ces usages, de ces enjeux et parfois de ces dérives.
C'est reposant aussi de faire autre chose, tellement différent de ce que j'ai déjà fait que ça empêche de faire la comparaison. Parce que soyons clair, quand on crée une startup comme Malt, c'est pas évident de reproduire l'expérience et ça met une certaine pression parce que personne n'a envie de se dire qu'il ne pourra jamais faire aussi bien que ce qu'il a déjà fait.
Là, c'est... différent. Il y a à nouveau plein de choses à apprendre. Et surtout, c'est fun.
Alors oui, je ne serais pas contre pousser l'expérience plus loin. Si c'était possible, j'aimerais en faire un média, comme certains prédécesseurs avant moi, korben par exemple qui est resté sur le format écrit, ou Micode et la chaîne underscore.
En faire un média ça veut dire que j'aimerais travailler en équipe, avoir des collabs fréquentes et à terme j'aimerais créer une petite communauté (un peu comme le Vortex) pour faire de la vulgarisation, de la sensibilisation et varier les thèmes.
Bref, c'est ambitieux, je ne sais pas si j'aurai la patience nécessaire parce qu'on parle d'un projet sur plusieurs années avant d'atteindre une certaine masse critique.
Au Japon, j'étais un peu bloqué sur certains aspects. En revenant en France, je vais reprendre le rythme à partir de septembre et j'essaierais de voir comment faire avancer le projet.
Ce qui est sûr, c'est que çe ne garantit aucun revenu fiable et stable avant un bon moment donc il va falloir creuser d'autres pistes en parallèle.
Forcément la question qu'on peut se poser à ce stade, est ce que ça remplit une assiette tout ça ?
Et la réponse est : évidemment que non.
J'ai eu plein de discussions en parallèle de tout ça ces derniers mois, des projets intéressants, d'autres un peu moins, des sujets pour lesquels je me sentais capable et d'autres pas du tout. Tout ça évidemment c'est plein de possibilités mais choisir c'est renoncer.
Et pour l'instant, c'est un peu tôt pour choisir.
Quoi qu'il en soit, je suis de retour aux affaires, de retour à Lyon, et je vais prendre du temps pour relancer tout cela.
Et j'ai hâte.
Allez a+