Allez je me lance. A 34 ans, je suis aujourd'hui fier d’être développeur. Et pourtant, c'était loin d’être gagné. J’ai bossé en SSII en début de carrière. Vous savez la SSII leader dans son domaine avec 10 000 grouillots de base. Bon endroit pour apprendre, mais on te fait vite comprendre que l’évolution de carrière, c'est de sortir de la technique pour faire de zolis graphes sur excel. D’ailleurs la moyenne d’âge des équipes de dev c’est 31 ans et attention on compte la faire descendre.
Et depuis, j'ai retrouvé le droit chemin. Vous voulez savoir comment ?
Mais plus en détail, fier d’être développeur ça veut dire quoi ? Pour moi, c'est simple :
Quel meilleur indicateur de qualité que de savoir que son code tourne toujours en production 10 ans après ? Bon pour être honnête tout le code de l’époque n’était pas formidable mais il a duré. Et c’est mon objectif, avoir du code qui dure. A l’heure de l’informatique jetable où chaque SI est renouvelé tous les 2 ans, produire du durable s’inscrit dans une démarche responsable dont je tire une certaine fierté quand j’y parviens. Même si la contrepartie c’est que de créer moins de boulot pour les autres ;)
Produire de la valeur, faciliter le travail des autres, apporter du confort c’est notre finalité, ou ça le devrait tout du moins. Je suis fier quand on arrive à ne plus me considérer comme une source de coût mais de revenu.
C’est ce qui manque bien souvent, si j’en crois la dernière rencontre des communautés de Lyon : la reconnaissance (morale et financière). Etre reconnu par sa hiérarchie pour son travail et la valeur qu’on apporte ça motive (et je parle pas juste d’une poignée de main). Je suis donc fier d’avoir reçu régulièrement des signes de reconnaissance pour ce que j’ai pu accomplir.
No comment, c’est encore difficile ^^
Tiens reparlons de la reconnaissance justement. C’est sans doute ce qui est le plus revenu lors de la dernière soirée des communautés de Lyon lorsqu’on a abordé le thème du métier de développeur. Quels sont ses petits signes qui nous font sentir de trop, le type qui coûte trop cher et dont la présence est toléré mais s’il se fait discret :
et j’en passe...
Mais pourquoi je parle de ça alors qu’il existe déjà pas mal d’articles sujet et même une association sur ce thème : http://fierdetredeveloppeur.org ?
Parce qu’au cas ou vous n’auriez pas trouvé cette fameuse boite :
alors il existe une solution, la créer !
(Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, il y a de bonnes boites traditionnelles, y compris parmi les SSII, mais ce n’est pas le sujet de ce post).
La première forme de création d’entreprise et la plus évidente c’est de devenir Freelance. Si cette solution a effectivement l’avantage de vous donner la liberté de faire vos propres projets, de planifier votre veille comme vous l’entendez et vous permet de rester dans la technique après 30 ans, elle s’accompagne aussi d’un sentiment d’apatride, dit aussi : sentiment du “poor lonesome cowboy”. C’est sans doute ce petit côté solitaire qui rebute certains à franchir le cap, même si à ceux la je répondrais : “mieux vaut être seul que mal accompagné”, mais c’est un autre débat.
Du coup je vais tout de suite rebondir sur une autre voie, les sociétés coopératives, et plus exactement les sociétés de développement logiciel.
Une société coopératives si on prend la définition la plus primaire c’est une société démocratique ou chaque membre de la société a un pouvoir de décision égale aux autres membres.
En france il existe une forme juridique spécifique qui définit ce mode de gouvernance dans ces statuts : la SCOP Sur wikipedia quand on recherche SCOP on trouve la définition suivante :
[...], elle bénéficie d’une gouvernance démocratique et d’une répartition des résultats favorisant la pérennité des emplois et du projet d’entreprise. Ses salariés-coopérateurs y sont en effet associés (ou « co-entrepreneurs ») majoritaires [...]. Par ailleurs, quelle que soit la quantité du capital détenu, chaque coopérateur ne dispose que d'une seule voix lors de l'assemblée générale de l'entreprise.
Mais en pratique on peut aussi faire évoluer des statuts de SAS pour coller à cette définition (ce que nous avons fait pour Lateral-Thoughts).
Si le statut de Scop n’est pas récent, c’est plus récemment que ce type de société s’est développé parmi les boites d’informatique. Grace à Twitter j’ai pu trouver quelques unes de ces boites :
et on en trouve encore une douzaine sur un annuaire de scop qu’un internaute m’a fait connaitre sur twitter : http://www.les-scop-idf.coop/annuaire-scop/
On notera la prédominance des SCOP sur cette liste. J’ai zappé certaines boites qu’on m’avait cité car je n’ai pas trouvé explicitement de références au statut collaboratif/coopérative sur leurs site. J’ai aussi zappé les boites US ou Canadiennes.
Détail intéressant, on remarque que plusieurs boites coopératives ne promeuvent que du développement avec des outils open source. Facile de voir le lien entre la transparence du code source, la gouvernance collaborative des projets et le modèle des sociétés collaboratives.
Parlons de la transparence puisque c’est l’une des caractéristiques les plus importantes de ces boites. La transparence d’une société coopérative chez Lateral-thoughts ça implique par exemple
Ca parait fou ? Eh bien chez scopyleft c’est encore plus de fous, ils publient sur un github public !
Je tempère cependant, je ne connais pas toutes les boites ci-dessus et il peut se cacher des réalités très différentes entre ces différentes organisations.
Et le lien avec la fierté du développeur ?
C’est simple à comprendre, la valeur de la société repose sur les développeurs qui sont les mêmes qui prennent les décisions. Ils sont donc directement impliqués dans la création de valeur. La reconnaissance du travail accompli est faite par ces pairs. Et on peut bosser sur des projets top moumouth (copyright Florent) ENSEMBLE.
Mais attention, dans les faits, cela nécessite d’être plus qu’un codeur (Cf http://msdn.microsoft.com/fr-fr/magazine/cc163418.aspx qui fait la différence entre codeur et développeur). Attention je ne vais pas vous refaire le sketch du bon et du mauvais codeur. Mais vous avez peut être déjà entendu le fameux “you build it, you run it”, ici ce diction s’applique à toutes les idées que vous pourrez lancer dans l’entreprise : faire un BOF à Devoxx, améliorer le système de vote, devenir organisme de formation, embaucher quelqu’un. C’est votre idée, c’est vous qui l’amenez au bout.
Evidemment cela a des conséquences sur le recrutement. On ne met pas des carrés dans des ronds, vous connaissez ça depuis l’enfance et ça s’applique aussi aux sociétés. Une société coopérative a besoin de profil qui puisse s’adapter à son fonctionnement, des personnes autonomes et avec les épaules larges. Vous savez, les fameux T-Shaped : une personne ayant des connaissances générales assez larges et une expertise sur un ou plusieurs domaines, le mouton à cinq pattes si vous préférez.
Tiens là dessus je vous renvoie au handbook de Valve. Valve c’est justement une société collaborative US. Vous ne les connaissez pas ? Ce sont les petits gars qui font Half Life et qui font tourner la plateforme Steam, rien que ça. Leur chapitre sur le recrutement vaut le détour.
Bref si vous aimez la technique mais que vous sentez que votre horizon est bouché sur ce créneau dans votre boîte, si vous voulez avoir la liberté de créer de la valeur alors franchissez le cap, pensez Freelance ou société coopérative en développement. N’hésitez pas, entreprenez, innovez. Ok vous vous prendrez peut être des claques, ça arrive. Mais je vais vous dire c’est une sacrée expérience et finalement si cela finissait par ne plus vous intéresser, les meilleures offres d’emploi je les ai reçus depuis que je suis devenu freelance, ce sera peut être votre cas vous aussi.
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